26 nov. 2013

China real estate life, ou l'immobilier chinois !

C'est pas parce qu'on est en Chine que tout est à bas prix ! La preuve en article !
Alors non, nous ne sommes pas en train de nous renseigner pour acheter à Shanghai (possibilité a priori offerte sous conditions aux étrangers1), simplement ce qu'il se passe ici mérite que j'y consacre un peu de mon temps afin d'éclairer votre lanterne!

Un ensemble de nouvelles habitations se construit non loin de chez nous depuis un moment, j'ai vu l'évolution au fil des jours depuis 1 an1/2 ... Dernièrement, une nouveauté est apparue : il semblerait que les appartements soient prêts à la vente, la grande bâche blanche déployée en témoigne ! 
Alors attends... il y a des chiffres en gros, le 540 doit sûrement être le prix, je fouille dans ma mémoire pour retrouver ce que veut dire le  caractère ... 540 ... 540 wàn ... 540 dix-mille ? Qu'est-ce ça veut dire, non quand même pas 540 x 10000 ?

vue immeuble en construction


Un rapprochement de la zone est nécessaire, pour être sûre que mes yeux ne me jouent pas des tours ...
... ARGH ! Il faut se rendre à l'évidence, c'est bien ça : 5400000 yuan, c'est à dire 5 millions 400 mille yuan, et si ça c'est le prix du plus "petit" appartement qui à l'air proposé (115m²), je ne répond plus de rien ...

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parenthèse nécessaire sur la notion très particulière des mètres carrés chinois ...
La tendance n'est pas de donner la superficie habitable du potentiel home sweet home aux potentiels acheteurs, mais une sorte de superficie totale "brute", qui comprend l'épaisseur des murs extérieurs (oui oui, vous avez bien lu ...), mais aussi un ratio des surfaces de vie communes, dans lesquels personne ne vit justement ... genre le palier, l'ascenseur, ...

"oh chéri regarde les 2 grands beaux ascenseurs de ce superbe immeuble, l'un d'eux fera parfaitement l'affaire pour la chambre de bébé non?, il y a même une télé !

Le début d'un superbe dialogue de sourd pourrait débuter avec votre agent immobilier : si je paye pour cette partie du couloir, je peux y faire un barbecue on est d'accord ?

Si cette tendance devait trouver une explication, elle se trouverait dans le fait que les appartements sont livrés nus (pas de cloisons, murs en béton, décoration de base, carrelage, pas de portes, ...)

Alors oui, de cette façon, vous n'aurez pas un 115m², mais 10 à 25% moins ...

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Parenthèse terminée, revenons à nos moutons.
Parce que ça vous parle peut être pas trop les yuan, je vais vous aider. Accrochez-vous bien, car la conversion en euros pique : 675000€, 675 mille euros l'appartement ! Ce qui revient à un prix au mètre carré de 5870€, (presque 47000rmb / m² ... !)

Gloups ... est-ce vraiment possible ?

Sachant qu'un bon salaire chinois de classe moyenne est l'équivalent du smic français, que les taux d'emprunt à la banque sont entre 6 et 8%, je n'ose pas imaginer le nombre d'années d'endettement d'un chinois moyen pour devenir propriétaire ...
Bon j'ai besoin de me faire une idée ! Alors - avec l'aide d'un simulateur de crédit lambda -, vous avez un apport de 30%, vous empruntez le reste sur 25 ans à 6%. C'est là que le bas blesse : l'emprunt vous coûtera au total près de 919000€ ... soit 3060€ de mensualités ! Même moi en écrivant ces lignes je me demande comment c'est envisageable!

Bon et après le petit tour chez le banquier qui finalement vous a ni plus ni moins fait signer votre perte, si on s'intéressait à la localisation de ce petit bijou d'appartement! Le repère, c'est la petite maison.
Bon, c'est vers chez nous (nous c'est le petit cœur!). Et vers chez nous, ça signifie excentré (au dessus de l'inner ring, ça veut tout dire ...), car on avait pas les $$$ pour habiter au centre (en vert, vous l'aurez compris), situé à +/- 5 à 10km.
Notre quartier est pas mal, bien chinois, vivant, pas d'étrangers (sauf nous et les étudiants d'une université pas loin!), à proximité de 2 lignes de métro assez pratiques.
Donc pour ce prix là, faut pas s'attendre à être en banlieue verte et fleurie sympa, on est toujours bien dans la ville, avec ses aléas, mais loin du quartier IN !


Sérieusement, c'est quoi le problème ?

Pourquoi est-ce si cher : la faute à cette belle grosse bulle immobilière peut-être ?
A coups de mesures de restrictions ou d’assouplissements, le gouvernement mène d’une main de fer le marché de l’immobilier chinois ! Mais cela n’empêche pas le pays de souffrir d’une spéculation acharnée, la faute à la petite réserve d'acheteurs fortunés n'ayant aucun besoin de liquidité, et aux appartements qu'ils laissent inexploités.

Le fait est que depuis des années déjà, la flambée des prix des appartements dans les grandes villes de Chine fait peur ! En 2010 à Pékin, on peut lire que les appartements étaient 30 à 50% surévalués …

Alors le gouvernement s’est rapidement mis au travail, avec comme objectif de faire dégonfler la bulle sans qu'elle n’éclate. Ses idées ? 
Dans le désordre : limiter l’achat d’un 2ème et/ou 3ème logement par les particuliers, relevé le montant de l’apport personnel pour l’acceptation d’un crédit, imposer des taxes foncières dans certaines villes ou encore limiter l’achat de 2 biens aux ménages locaux seulement2 (les ménages non-locaux n’ayant le droit qu’à un achat immobilier). 
Puis quand le marché à commencer de s’effondrer, et que la population s’est mise à grogner, il était temps d’assouplir un peu tout ça avec de nouvelles mesures : autoriser l'achat d'une seconde résidence pour les personnes ayant vécu au moins trois ans dans la ville (à Shanghai notamment), un pas en avant pour les non-locaux ! 
Quoique… Dans le même temps une autre idée a germé dans les têtes bien pensantes du gouvernement : empêcher les provinciaux d’acheter s’ils sont célibataires, même célibataires riches ! Une mesure pour le moins originale quand on sait pertinemment qu’en Chine pour recevoir la bénédiction des parents de sa promise, il est de bon ton d’être d’ores et déjà propriétaire … et quand bien même les épousailles auraient lieu, cette homme dorénavant marié ne pourra prétendre accéder à la propriété que s’il atteste du paiement de 12 mois d’impôts et ne posséder aucun autre bien dans la ville (ben oui, ménage non locaux = un bien !).

Cette année 2013 marque l’application d’un énième dispositif, dotée d’une petite faille ayant des conséquences plutôt originales : lors de la revente d’un bien sous 5 ans suivant la date de l'achat, un couple marié se verra appliqué une taxation de 20% sur la plus-value (au lieu de 1 ou 2% jusqu'ici). Seulement, sous certaines conditions et lorsqu’un couple possède 2 biens, l’un des 2 pourra être revendu en s’exonérant de cette taxe s’il est considéré comme le bien unique de l’un des 2 amants. Dans ce cas, quoi de mieux qu’un petit divorce avec séparation des propriétés pour régler le problème ? Le temps de la revente, on organise le remariage, et tout le monde est heureux avec plus de sous-sous dans la po-poche ! Ca n’a rien d’anodin, car à Shanghai, ce rituel aurait déjà fait 44.000 adeptes dans les 9 premiers mois de 2013 !

Quel imbroglio !

Après tant d'investissement du gouvernement dans la lutte contre la spéculation, il serait logique de penser que le prix au mètre carré arrête de frôler l'indécence !?
Et bien oui et non.
Depuis mars 2013, les prix ont à nouveau pris une envolée, mais d'une manière générale, il y a un ralentissement de l'augmentation (ceci explique donc ce que je vois depuis mon balcon!).

Mais bon, à voir les affichettes des agences immobilières, on est sceptique sur le ralentissement ...





Au jour d’aujourd’hui, je ne sais pas bien quelles sont les mesures en vigueur.Toujours est-il que tout est possible et contournable en Chine !

La bubulle est prête à exploser et à mettre tout le monde sur la paille... Enfin me direz-vous, seulement 15% des chinois peuvent devenir propriétaire, alors si la bulle éclate, il n'y aura que ces 15% qui l'auront dans le baba ... et enfin les 85% restants pourront acheter !

Un retour locatif très faible
Un chinois, lorsque finalement il est autorisé à acheter (après avoir trouvé un femme pas trop avide d'argent, changer de Hukou, avoir vécu 20 ans dans la même ville, ...), à le droit de mettre en location son appartement. Seulement, à quoi bon ? Pour un bien destiné à la location, le loyer qu'il sera en mesure de demander sera évidemment très élevé, complètement surévalué même, mais celui-ci sera très loin d'égaler la créance mensuelle réclamée par la banque !

N'omettons pas la fameuse règle des 70 ans
Notez qu'en Chine, le droit à la propriété est un peu différent d'en France. Ici, la terre demeure propriété de l'Etat chinois. Pour bâtir, il faut louer le terrain voulu à l'état, et les constructions faites à cet endroit répondront à un droit d'usage de 70 ans. De ce fait, si un chinois achète, l'appartement lui appartiendra ... pour 70 ans, renouvelable normalement (sous certaines conditions à mon avis!). Cela n'empêche pourtant pas l'Etat d'expulser n'importe qui n'importe quand, avec dédommagement plus ou moins généreux.
Ça veut dire quoi ? Qu'au bout de 70 ans l'Etat reprend les appartements ?
En fait non ... ou peut être ... Le fait est que la boucle des 70 ans n'a encore jamais été bouclée, si bien que pas un chinois ne sait ce qu'il adviendra de son bien a l'issue de cette période, ou même si cette politique sera vraiment appliquée. Les chinois ne pensent pas "achat sur le long terme et descendance", mais plutôt investissement, et à faire de l'argent au moment présent. Si bien que cette règle de durée ne les gène pas, puisque d'ici là, ils auront normalement déjà revendu le tout.
De toute façon, si on pense construction chinoise, on pense aussi construction de qualité douteuse ... alors pour sûr, un immeuble ne tiendra pas 70 ans debout ! Il s'auto détruira bien avant !


1Des conditions telles que disposer d'un appart conséquent entre 30 et 50%, habiter Shanghai depuis plus de 12 mois, limité à un seul appartement, immobilisé pendant 5 ans (pas de location autorisée), ... (toutes ces infos sont à vérifier si vous vous intéressez à cela)

2Locaux signifie ici "appartenant à la ville" : en Chine, le Hukou est un papier qui suit chaque chinois depuis sa naissance, et qui le fait appartenir à une ville. Un chinois a le droit de travailler et vivre dans une autre ville, mais il sera considéré comme migrant si ce n’est pas dans sa ville de Hukou. De ce fait, est considérée comme appartenant à la ville de Shanghai une personne qui y est née, mais pas seulement : ses 2 parents doivent également y être nés, il doit travailler à Shanghai depuis minimum 7 ans ou être marié à un(e) shanghaien(ne) depuis 10 ans.